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On fait quoi maintenant ?—
J’en sais rien. Mais je crois qu’il est encore temps de quitter nos fonctions et de changer d’identité.—
Vous pensez qu’elle est indisposée pour être de si mauvaise humeur ?—
Si c’était ça l’explication, elle serait indisposée chaque jour de l’année. —
Raah, mais fermez-la ! Vous voulez qu’on finisse au trou ou quoi ?—
Je sais pas pour vous mais moi je préférerais encore être en taule plutôt que d’être là comme un con devant cette por…La porte de la salle du conseil s’ouvre dans un fracas retentissant sous les yeux médusés des trois gardes royaux. Devant eux, le Ditehas Lucius Fürst-Rozen les jauge avec tout le mépris du monde. Sa stature d’ancien chevalier impose le silence. Un calme si pesant qu’il en devient presque palpable.
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J’attends. Où est Wolfram Dal’Jayan ? Le premier soldat examine ses propres pieds, priant pour son salut. Le second se tourne vers le troisième et c’est ce dernier qui ose finalement prendre la parole d’un ton mal assuré :
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Eh bien, il semblerait, Ditehas Lucius, qu’il ne soit pas au palais…aux dernières informations, il serait dans la région de Hwayoso. C’est tout ce que nous savons, je regrette…La tempe palpitante du Juge, soumise à une pression artérielle surhumaine, ne laisse planer aucun doute quant à son niveau d’énervement. Elle inspire profondément.
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Soit, j’irais moi-même le chercher. Et je lui ferais passer ses envies d’escapade. Préparez-moi un attelage et je veux plus d’informations d’ici mon départ. La porte se referme aussi sèchement qu’à son ouverture, laissant seuls les trois pauvres recrues, hébétés et incertains d’avoir réellement survécus à l’entretien.
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Kyrielle avance à travers la foule dense des curieux, venus s’amasser au palais de cristal pour l’occasion. Elle a horreur des foules et s’en méfie comme de la peste. Elle pousse une personne. Une seconde. Une troisième. Elle entend quelques protestations à son passage mais ne daigne pas s’excuser. Malgré sa taille, elle ne voit pas plus loin que le bout de son nez.
Et toujours aucune trace de Wolfram. Pourtant tous les informateurs avaient été formels. Depuis son arrivée sur les lieux, son humeur oscille constamment entre l’exaspération et l’agacement. Et finalement, comble de l’horreur, une main s’agrippe fermement à sa manche tel un parasite.
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Madame, je suis désolé, mais vous ne pouvez pas aller plus loin ! Seuls les participants à la course peuvent accéder au labyrinthe. Il reste des places si cela vous intéresse.Elle baisse les yeux vers le petit homme ventripotent au sourire commercial qui tient une liste rédigée à la main. Sur le papier, qu’elle aperçoit furtivement, un seul nom retient son attention.
Wolfram C. Dal'Jayan. La pression dans sa tempe refait des siennes. Elle inspire profondément.
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Sa démarche militaire, saccadée par les bruits de ses éperons en argent, lui donne des allures de dangereux prédateur. Même l’assistant qui la guide jusqu’à son équipe n’ose pas lui adresser la parole. Une fois le but atteint, le pauvre homme s’éclipse rapidement, sans demander son reste.
Des malades, tous des malades dans ce coin. Ils sont là. Elle les regarde du coin de l’œil, les détaille à peine et passe devant eux sans même les saluer. Peu importe, elle n’espère rien d’eux. Elle franchit la première le seuil du labyrinthe.
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Je ne compte pas y passer la nuit pour être honnête. Elle avance sans même un regard pour ses coéquipiers et déjà, sa silhouette longiligne disparait au coin d’un premier virage. Dix secondes plus tard, elle réapparait devant les deux hommes, après être retournée sur ses pas.
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Bon. A gauche plutôt.